Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’idée de se retrouver face à face avec Jacques ; une explication immédiate révoltait son esprit délicat et faible. La supposition que sa femme faisait, la pensée que son ami allait peut-être redescendre achevait de l’affoler, après la crise qui venait de le briser. Quand il eut vainement écouté, il reporta ses regards sur Madeleine, il la contempla à ses pieds avec un abattement, un abandon poignants. Tout son être éprouvait un besoin suprême de consolation.

D’un mouvement instinctif, il se laissa glisser entre les bras de la jeune femme, qui le reçut et le serra contre sa poitrine.

Longtemps, ils pleurèrent. Ils semblaient vouloir se lier à jamais d’une étreinte, s’attacher si fortement l’un à l’autre que Jacques ne pût les séparer. Guillaume avait noué ses mains derrière le dos de Madeleine, et il sanglotait, le front appuyé sur son épaule, comme un enfant. Il lui pardonnait par ses larmes, par cet abandon subit qui venait de le jeter là. Sa faiblesse disait : « Tu n’es pas coupable ; c’est le hasard qui a tout fait. Tu le vois, je t’aime encore, je ne te juge pas indigne de ma tendresse. Ne parle plus de séparation. » Et sa faiblesse disait aussi : « Console-moi, console-moi ; prends-moi sur ton sein et berce-moi pour soulager mes souffrances. Ah ! que je pleure et que j’ai besoin de trouver un refuge dans tes bras ! Ne me quitte pas, je t’en prie. Je mourrais si j’étais seul, je ne pourrais supporter le poids de ma douleur. J’aime mieux encore saigner sous tes coups que de te perdre. Panse les blessures que tu m’as faites, sois bonne maintenant, sois caressante. » Madeleine entendait parfaitement ces paroles dans le silence, dans les soupirs étouffés de son mari. Elle dut avoir pitié de cette nature nerveuse et la consoler. D’ailleurs, une grande douceur lui venait de ce pardon absolu, de cette miséricorde muette, toute de larmes et de baisers. Son mari lui aurait dit : « Je te pardonne, » elle eût hoché tristement la tête ; mais il ne lui disait rien, il s’abandonnait, il se