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femme : elle ne rêvait plus, elle vivait éveillée, et elle l’aimait cependant ; elle l’aimait en cachette, ainsi qu’une dame qui a des considérations à garder ; elle le recevait avec des rougeurs subites dans sa chambre à coucher, dans cette chambre où il ne faisait que passer maintenant, et dont l’odeur particulière lui causait à chaque visite une émotion profonde. Il n’avait rien à lui dans cette pièce, pas même des pantoufles.

Cette douce vie dura toute la belle saison. Les jours s’écoulèrent au milieu d’une paix heureuse. Les amants se remerciaient l’un l’autre par leur amour de la félicité qu’ils se donnaient, comme autrefois ils avaient failli se quereller en sentant qu’ils se rendaient malheureux mutuellement.

Madeleine avait loué la petite maison vers le milieu d’avril. Elle ne connaissait de la campagne que quelques coins de la banlieue de Paris. Vivre en pleins champs, toute une saison, fut pour elle une joie forte et saine. Elle vit fleurir les arbres et mûrir les fruits, assistant avec une surprise souriante au travail de la terre. Quand elle arriva, les feuilles étaient tendres, d’un vert clair, la plaine s’éveillait sous les premiers rayons, humide encore des pluies d’hiver, ayant la grâce puérile d’une enfant ; il lui vint au cœur, du fond des horizons pâles, comme un souffle frais et virginal. Puis, le ciel eut des caresses plus brûlantes, les feuillages noircirent, la terre devint femme, femme amoureuse et fécondée dont les entrailles tressaillaient d’une puissante volupté dans le labeur de l’enfantement. Madeleine, rafraîchie et apaisée par les tiédeurs du printemps, sentit les ardeurs de l’été la pénétrer d’énergie et donner au sang de ses veines un battement calme et fort. Elle trouva ainsi, au grand soleil, la paix et la vigueur ; elle fut pareille à un de ces arbustes que l’hiver a frappés et qui renaissent, qui redeviennent enfants pour croître de nouveau et s’épanouir dans la puissance de leurs feuillages.

Elle avait un besoin de grand air, un amour du ciel