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Le médecin insista, mais il ne put ébranler sa résolution. Il se remit à tourner dans le laboratoire, plus exaspéré que jamais. Arrivé devant le filet de sang, il s’arrêta et demanda si ce sang avait appartenu à M. de Viargue. Sur la réponse affirmative de Guillaume, son visage parut s’éclairer. Il s’agenouilla devant la mare qui s’était formée sous le fourneau ; là, délicatement, du bout des ongles, il essaya de détacher un caillot déjà presque sec. Il espérait, en soumettant ce sang à une minutieuse analyse, découvrir quel agent toxique avait employé le comte.

Lorsque Guillaume eut compris le but du travail auquel il se livrait, il s’avança vers lui, les lèvres tremblantes, et, le prenant par le bras :

— Venez, monsieur, lui dit-il d’une voix brève. Vous voyez bien que j’étouffe ici… Il ne faut pas troubler la paix des morts. Laissez ce sang, je vous l’ordonne.

Le médecin laissa le caillot de très-mauvaise grâce. Poussé par le jeune homme, il sortit en protestant. Guillaume, qui l’attendait depuis un instant avec une impatience fiévreuse, respira enfin, quand il fut dans le corridor. Il ferma la porte du laboratoire, tout disposé à tenir le serment qu’il avait fait à son père de ne jamais y mettre les pieds.

Lorsqu’il fut descendu, il trouva dans le salon du rez-de-chaussée un juge de paix de Véteuil. Ce personnage lui expliqua, d’un ton courtois d’ailleurs, qu’il venait poser les scellés sur les papiers du mort, au cas où l’on ne pourrait lui présenter un testament en règle. Il eut même la délicatesse de faire entendre au jeune homme qu’il connaissait son lien de parenté avec le défunt, son titre de fils adoptif, et qu’il ne doutait pas de l’existence d’un testament entièrement en sa faveur. Il termina son petit discours par un gracieux sourire : ce testament se trouverait certainement au fond de quelque tiroir, mais la loi était la loi, il pouvait y avoir des legs d’une nature particulière, et il fallait attendre. Guillaume ferma la bouche à cet homme en lui montrant un testament qui l’instituait léga-