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toujours beaucoup… Mais, je vous assure, elle est plus forte que moi, elle a un métier épatant ! »

Et il clignait les yeux, en désignant sa femme avec un pâle sourire. Elle s’était approchée, elle haussait les épaules, d’un air de bonne femme, en disant :

« Ne l’écoutez donc pas ! Vous connaissez sa toquade… Si l’on voulait le croire, ce serait moi le grand peintre… Je l’aide, et encore très mal. Enfin, puisque ça l’amuse ! »

Rennequin restait muet devant cette comédie qu’ils se jouaient à eux-mêmes, de bonne foi sans doute. Il sentait nettement, dans cet atelier, la suppression totale de Ferdinand. Celui-ci ne crayonnait même plus des bouts d’esquisse, tombé au point de ne pas sentir le besoin de sauvegarder son orgueil par un mensonge ; il lui suffisait maintenant d’être le mari. C’était Adèle qui composait, qui dessinait et peignait, sans lui demander un conseil, entrée d’ailleurs si complètement dans sa peau d’artiste, qu’elle le continuait, sans que rien pût indiquer la minute où la rupture avait été complète. Elle était seule à cette heure, et il ne restait, dans cette individualité femelle, que l’empreinte ancienne d’une individualité mâle.

Ferdinand bâillait :

« Vous restez à dîner, n’est-ce pas ? dit-il. Oh ! je suis éreinté… Comprenez-vous ça, Rennequin ? Je n’ai rien fait aujourd’hui et je suis éreinté.