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toute la journée, sans avoir le soir les jambes cassées. Affaire d’habitude, disaient les bourgeois. Cette collaboration de sa femme ne jetait aucune déconsidération sur Ferdinand ; au contraire. Adèle, avec un tact supérieur, avait compris qu’elle ne devait pas supprimer son mari ouvertement ; il gardait la signature, il était comme un roi constitutionnel qui régnait sans gouverner. Les œuvres de Mme Sourdis n’auraient pris personne, tandis que les œuvres de Ferdinand Sourdis conservaient toute leur force sur la critique et le public. Aussi montrait-elle toujours la plus grande admiration pour son mari, et le singulier était que cette admiration restait sincère. Bien que, peu à peu, il ne touchât que de loin en loin un pinceau, elle le considérait comme le créateur véritable des œuvres qu’elle peignait presque entièrement. Dans cette substitution de leurs tempéraments c’était elle qui avait envahi l’œuvre commune, au point d’y dominer et de l’en chasser ; mais elle ne se sentait pas moins dépendante encore de l’impulsion première, elle l’avait remplacé en se l’incorporant, en prenant pour ainsi dire de son sexe. Le résultat était un monstre. À tous les visiteurs, lorsqu’elle montrait leurs œuvres, elle disait toujours : « Ferdinand a fait ceci, Ferdinand va faire cela », lors même que