Page:Zola - Madame Sourdis, 1929.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Mais tu pleures ! dit-elle très émue. Qu’as-tu donc ?

— Non, non, je n’ai rien », bégaya-t-il.

Depuis une heure, il était tombé là, à regarder stupidement cette toile, où il ne voyait plus rien. Tout dansait devant ses regards troubles. Son œuvre était un chaos qui lui semblait absurde et lamentable ; et il se sentait paralysé, faible comme un enfant, d’une impuissance absolue à mettre de l’ordre dans ce gâchis de couleurs. Puis, quand l’ombre avait peu à peu effacé la toile, quand tout, jusqu’aux notes vives, avait sombré dans le noir comme dans un néant, il s’était senti mourir, étranglé par une tristesse immense. Et il avait éclaté en sanglots.

« Mais tu pleures, je le sens, répéta la jeune femme qui venait de porter les mains à son visage trempé de larmes chaudes. Est-ce que tu souffres ? »

Cette fois, il ne put répondre. Une nouvelle crise de sanglots l’étranglait. Alors, oubliant sa sourde rancune, cédant à une pitié pour ce pauvre homme insolvable, elle le baisa maternellement dans les ténèbres. C’était la faillite.