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de l’alcool et le musc des filles. C’étaient des vices monstrueux où il retombait toujours, par une lâcheté de tempérament. Et Adèle ne sortait pas de son silence, le soignait chaque fois avec une rigidité de statue, sans le questionner, sans le souffleter de sa conduite. Elle lui faisait du thé, lui tenait la cuvette, nettoyait tout, ne voulant pas réveiller la bonne et cachant son état comme une honte que la pudeur lui défendait de montrer. D’ailleurs, pourquoi l’aurait-elle interrogé ? Chaque fois, elle reconstruisait aisément le drame, la pointe d’ivresse prise avec des amis, puis les courses enragées dans le Paris nocturne, la débauche crapuleuse, avec des inconnus emmenés de cabaret en cabaret, avec des femmes rencontrées au coin d’un trottoir, disputées à des soldats et brutalisées dans la saleté de quelque taudis. Parfois, elle retrouvait au fond de ses poches des adresses étranges, des débris ignobles, toutes sortes de preuves qu’elle se hâtait de brûler, pour ne rien savoir de ces choses. Quand il était égratigné par des ongles de femme, quand il lui revenait blessé et sali, elle se raidissait davantage, elle le lavait, dans un silence hautain, qu’il n’osait rompre. Puis, le lendemain, après le drame de ces nuits de débauche, lorsqu’il se réveillait et qu’il la trouvait muette devant lui, ils n’en parlaient ni l’un ni l’autre, ils semblaient avoir fait tous les deux un cauchemar, et le train de leur vie reprenait.