Page:Zola - Madame Sourdis, 1929.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée

penchée sur ses aquarelles, du matin au soir.

« Eh bien ! demanda-t-elle le dimanche à son père, est-ce qu’il t’apportera un tableau ? »

La veille, elle avait manœuvré de façon à ce que son père se trouvât à la boutique, lorsque Ferdinand s’était présenté.

« Oui, dit Morand, mais il s’est fait joliment prier… Je ne sais pas si c’est de la pose ou de la modestie. Il s’excusait, il disait que ça ne valait pas la peine d’être montré… Nous aurons le tableau demain. »

Le lendemain, comme Adèle rentrait le soir d’une promenade aux ruines du vieux château de Mercœur, où elle était allée prendre un croquis, elle s’arrêta, muette et absorbée, devant une toile sans cadre, posée sur un chevalet, au milieu de la boutique. C’était le tableau de Ferdinand Sourdis. Il représentait le fond d’un large fossé, avec un grand talus vert, dont la ligne horizontale coupait le ciel bleu ; et là une bande de collégiens en promenade s’ébattait, tandis que le « pion » lisait, allongé dans l’herbe : un motif que le peintre avait dû dessiner sur nature. Mais Adèle était toute déconcertée par certaines vibrations de la couleur et certaines audaces de dessin, qu’elle n’aurait jamais osées elle-même. Elle montrait dans ses propres travaux une habileté extraordinaire, au point qu’elle s’était approprié le métier compliqué de Rennequin et de