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grande rigidité dévote, un instinct d’artiste manqué le clouait au milieu de ses quatre toiles. Où la ville aurait-elle acheté des couleurs ? À la vérité, personne n’en achetait, mais des gens pouvaient en avoir envie. Et il ne désertait pas.

C’était dans ce milieu que Mlle Adèle avait grandi. Elle venait d’avoir vingt-deux ans. De petite taille, un peu forte, elle avait une figure ronde agréable, avec des yeux minces ; mais elle était si pâle et si jaune, qu’on ne la trouvait pas jolie. On aurait dit une petite vieille, elle avait déjà le teint fatigué d’une institutrice vieillie dans la sourde irritation du célibat. Pourtant, Adèle ne souhaitait pas le mariage. Des partis s’étaient présentés, qu’elle avait refusés. On la jugeait fière, elle attendait un prince, sans doute ; et de vilaines histoires couraient sur les familiarités paternelles que Rennequin, un vieux garçon débauché, se permettait avec elle. Adèle, très fermée, comme on dit, silencieuse et réfléchie d’habitude, paraissait ignorer ces calomnies. Elle vivait sans révolte, habituée à l’humidité blême de la place du Collège, voyant à toutes heures devant elle, depuis son enfance, le même pavé moussu, le même carrefour sombre où personne ne passait ; deux fois par jour seulement, les galopins de la ville se bousculaient à la porte du collège ; et c’était là son unique récréation. Mais elle ne s’ennuyait jamais, comme si elle eût