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son père, servait le jeune homme, en demandant chaque fois :

« Et avec ça ?

— C’est tout pour aujourd’hui, mademoiselle. »

Ferdinand glissait son petit paquet dans sa poche, payait avec une gaucherie de pauvre qui craint toujours de rester en affront, puis s’en allait. Cela durait depuis une année, sans autre événement.

La clientèle du père Morand se composait bien d’une douzaine de personnes. Mercœur, qui comptait huit mille âmes, avait une grande réputation pour ses tanneries ; mais les beaux-arts y végétaient. Il y avait quatre ou cinq galopins qui barbouillaient, sous l’œil pâle d’un Polonais, un homme sec au profil d’oiseau malade ; puis, les demoiselles Lévêque, les filles du notaire, s’étaient mises « à l’huile », mais cela causait un scandale. Un seul client comptait, le célèbre Rennequin, un enfant du pays qui avait eu de grands succès de peintre dans la capitale, des médailles, des commandes, et qu’on venait même de décorer. Quand il passait un mois à Mercœur, au beau temps, cela bouleversait l’étroite boutique de la place du Collège. Morand faisait venir exprès des couleurs de Paris, et il se mettait lui-même en quatre, et il recevait Rennequin découvert, en l’interrogeant respectueusement sur ses nouveaux triomphes. Le peintre, un gros homme bon diable, finissait