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leur avait remis, allaient se séparer devant leurs portes, le premier ne put s’empêcher de poser au second une question qui le tracassait.

— C’est un personnage très influent que monsignor Nani ?

Don Vigilio s’effara de nouveau, fit un simple geste en ouvrant les deux bras, comme pour embrasser le monde. Puis, ses yeux flambèrent, une curiosité parut le saisir à son tour.

— Vous le connaissiez déjà, n’est-ce pas ? demanda-t-il sans répondre.

— Moi ! pas du tout !

— Vraiment !… Il vous connaît très bien, lui ! Je l’ai entendu parler de vous, lundi dernier, en des termes si précis, qu’il m’a semblé au courant des plus petits détails de votre vie et de votre caractère.

— Jamais je n’avais même entendu prononcer son nom.

— Alors, c’est qu’il se sera renseigné.

Et don Vigilio salua, rentra dans sa chambre ; tandis que Pierre, qui s’étonnait de trouver la porte de la sienne ouverte, en vit sortir Victorine, de son air tranquille et actif.

— Ah ! monsieur l’abbé, j’ai voulu m’assurer par moi-même que vous ne manquiez de rien. Vous avez de la bougie, vous avez de l’eau, du sucre, des allumettes… Et, le matin, que prenez-vous ? Du café ? Non ! du lait pur, avec un petit pain. Bon ! pour huit heures, n’est-ce pas ?… Et reposez-vous, dormez bien. Moi, les premières nuits, oh ! j’ai eu une peur des revenants, dans ce vieux palais ! Mais je n’en ai jamais vu la queue d’un. Quand on est mort on est trop content de l’être, on se repose.

Pierre, enfin, se trouva seul, heureux de se détendre, d’échapper au malaise de l’inconnu, de ce salon, de ces gens, qui se mêlaient, s’effaçaient en lui comme des ombres, sous la lumière dormante des lampes. Les