Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée

fermé, avec sa douce figure de vierge. Un front et un nez d’une pureté de fleur, une bouche d’innocence aux lèvres closes sur les dents blanches, des yeux d’eau de source, clairs et sans fond. Et pas un frisson sur les joues d’une fraîcheur de satin, pas une inquiétude ni une curiosité dans le regard ingénu. Pensait-elle ? Savait-elle ? Qui aurait pu le dire ! Elle était la vierge dans tout son inconnu redoutable.

— Ah ! chère, reprit Benedetta, ne recommence pas ma triste histoire. Ça ne réussit guère, de marier le pape et le roi.

— Mais, dit Celia avec tranquillité, tu n’aimais pas Prada, tandis que moi j’aime Attilio. La vie est là, il faut aimer.

Cette parole, prononcée si naturellement par cette enfant ignorante, troubla Pierre à un tel point, qu’il sentit des larmes lui monter aux yeux. L’amour, oui ! c’était la solution à toutes les querelles, l’alliance entre les peuples, la paix et la joie dans le monde entier. Mais donna Serafina s’était levée, en se doutant du sujet de conversation qui animait les deux amies. Et elle jeta un coup d’œil à don Vigilio, que celui-ci comprit, car il vint dire tout bas à Pierre que l’heure était venue de se retirer. Onze heures sonnaient, Celia partait avec sa tante, sans doute l’avocat Morano voulait garder un instant le cardinal Sarno et Nani pour causer en famille de quelque difficulté qui se présentait, entravant l’affaire du divorce. Dans le premier salon, lorsque Benedetta eut baisé Celia sur les deux joues, elle prit congé de Pierre avec beaucoup de bonne grâce.

— Demain matin, en répondant au vicomte, je lui dirai combien nous sommes heureux de vous avoir, et pour plus longtemps que vous ne croyez… N’oubliez pas, à dix heures, de descendre saluer mon oncle le cardinal.

En haut, au troisième étage, comme Pierre et don Vigilio, tenant chacun un bougeoir que le domestique