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pu fort bien l’oublier là. Avant de rouvrir sa valise pour l’y mettre, il le garda un instant, le feuilleta, les idées brusquement changées, comme si, tout d’un coup, un événement considérable s’était produit, un de ces faits décisifs qui révolutionnent un monde. L’œuvre était cependant des plus modestes, le classique manuel pour le baccalauréat, ne contenant guère que les éléments des sciences ; mais toutes les sciences y étaient représentées, il résumait assez bien l’état actuel des connaissances humaines. Et c’était en somme la science qui faisait irruption dans la rêverie de Pierre, soudainement, avec la masse, avec l’énergie irrésistible d’une force toute-puissante, souveraine. Non seulement le catholicisme en était balayé, tel qu’une poussière de ruines, mais toutes les conceptions religieuses, toutes les hypothèses du divin chancelaient, s’effondraient. Rien que cet abrégé scolaire, cet infiniment petit livre classique, rien même que le désir universel de savoir, cette instruction qui s’étend toujours, qui gagne le peuple entier, et les mystères devenaient absurdes, et les dogmes croulaient, et rien ne restait debout de l’antique foi. Un peuple nourri de science, qui ne croit plus aux mystères ni aux dogmes, au système compensateur des peines et des récompenses, est un peuple dont la foi est morte à jamais ; et, sans la foi, le catholicisme ne peut être. Là est le tranchant du couperet, le couteau qui tombe et qui tranche. S’il faut un siècle, s’il en faut deux, la science les prendra. Elle seule est éternelle. C’est une absurdité de dire que la raison n’est pas contraire à la foi et que la science doit être la servante de Dieu. Ce qui est vrai, c’est que, dès aujourd’hui, les Écritures sont ruinées et que, pour en sauver des fragments, il a fallu les accommoder avec les certitudes nouvelles, en se réfugiant dans le symbole. Et quelle extraordinaire attitude, l’Église défendant à quiconque découvre une vérité contraire aux livres saints, de se prononcer d’une façon définitive, dans l’attente que