chambre muette, vague, morte, qui lui apparaissait déjà comme étrangère ! Il ne lui restait qu’à partir, il était parti, Rome autour de lui n’était plus qu’une image, celle qu’il allait emporter dans sa mémoire. Une heure encore, cela lui semblait d’une longueur démesurée. Sous lui, le vieux palais noir et désert dormait dans l’anéantissement de son silence. Il s’était assis pour patienter, il tomba à une rêverie profonde.
Ce fut son livre qui s’évoqua, la Rome nouvelle, tel qu’il l’avait écrit, tel qu’il était venu le défendre. Et il se rappela sa première matinée sur le Janicule, au bord de la terrasse de San Pietro in Montorio, en face de la Rome qu’il rêvait, si rajeunie, si douce d’enfance, sous le grand ciel pur, comme envolée dans la fraîcheur du matin. Là, il s’était posé la question décisive : le catholicisme pouvait-il se renouveler, retourner à l’esprit du christianisme primitif, être la religion de la démocratie, la foi que le monde moderne bouleversé, en danger de mort, attend pour s’apaiser et vivre ? Son cœur battait d’enthousiasme et d’espoir, il venait, à peine remis de son désastre de Lourdes, tenter là une autre expérience suprême, en demandant à Rome quelle serait sa réponse. Et, maintenant, l’expérience avait échoué, il connaissait la réponse que Rome lui avait faite par ses ruines, par ses monuments, par sa terre elle-même, par son peuple, par ses prélats, par ses cardinaux, par son pape. Non ! le catholicisme ne pouvait se renouveler, non ! il ne pouvait revenir à l’esprit du christianisme primitif, non ! il ne pouvait être la religion de la démocratie, la foi nouvelle qui sauverait les vieilles sociétés croulantes, en danger de mort. S’il semblait d’origine démocratique, il était cloué désormais à ce sol romain, roi quand même, forcé de s’entêter au pouvoir temporel sous peine de suicide, lié par la tradition, enchaîné par le dogme, n’évoluant qu’en apparence, réduit réellement à une telle immobilité, que, derrière la porte de bronze du Vatican,