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plaisait la flânerie d’art du jeune attaché d’ambassade. Tout de suite Narcisse s’excusa de son brusque envahissement.

— Voici vos bagages, je sais que vous partez ce soir, je n’ai pas voulu vous laisser quitter Rome sans vous serrer la main… Et que d’épouvantables choses, depuis que nous nous sommes vus ! Je ne suis revenu que cet après-midi, je n’ai pu assister au convoi de ce matin. Mais vous devez penser quel a été mon saisissement, lorsque j’ai appris ces deux morts affreuses.

Il le questionna, il se doutait de quelque drame inavoué, en homme qui connaissait la sombre Rome légendaire. D’ailleurs, il n’insista pas, bien trop prudent, au fond, pour se charger inutilement de secrets redoutables. Il se contenta de s’enthousiasmer sur ce que le prêtre lui dit des deux amants, enlacés aux bras l’un de l’autre, d’une beauté surhumaine dans la mort. Et il se fâcha de ce que personne n’en avait pris un dessin.

— Mais vous-même, mon cher ! Ça ne fait rien que vous ne sachiez pas dessiner. Vous y auriez mis votre ingénuité, vous auriez peut-être laissé un chef-d’œuvre.

Puis, se calmant :

— Ah ! cette pauvre contessina, ce pauvre prince ! N’importe, voyez-vous, tout peut crouler dans ce pays, ils ont eu la beauté, et la beauté reste indestructible !

Pierre fut frappé du mot. Et ils causèrent longuement de l’Italie, de Rome, de Naples, de Florence. Ah ! Florence, répétait languissamment Narcisse. Il avait allumé une cigarette, sa parole se faisait plus lente, tandis qu’il promenait les regards autour de la chambre.

— Vous étiez bien ici, dans un grand calme. Jamais encore je n’étais monté à cet étage.

Ses yeux continuaient à errer sur les murs, lorsqu’ils furent arrêtés par la toile ancienne, que la lampe éclairait. Un instant, il battit des paupières, l’air surpris. Et, tout d’un coup, il se leva, il s’approcha.