repos. Rome entière, bouleversée par cette histoire d’amour et de mort, n’allait plus, pendant deux semaines, causer d’autre chose.
Pierre serait parti le soir même pour la France, dans sa hâte de quitter cette ville de désastre, où il devait laisser le dernier lambeau de sa foi. Mais il voulait attendre les obsèques, il avait remis son départ au lendemain soir. Et, toute cette journée encore, il la passerait là, dans ce palais qui croulait, près de cette morte qu’il avait aimée, tâchant de retrouver pour elle des prières, au fond de son cœur vide et meurtri.
Quand il fut descendu, sur le vaste palier, devant l’appartement de réception du cardinal, le souvenir lui revint du premier jour où il s’était présenté là. C’était la même sensation d’ancienne pompe princière, dans l’usure et dans la poussière du passé. Les portes des trois immenses antichambres se trouvaient grandes ouvertes ; et les salles étaient vides encore, sous les hauts plafonds obscurs, à cause de l’heure matinale. Dans la première, celle des domestiques, il n’y avait que Giacomo en livrée noire, immobile et debout, en face de l’antique chapeau rouge, accroché sous le baldaquin, avec ses glands mangés à demi, parmi lesquels les araignées filaient leur toile. Dans la seconde, celle où le secrétaire se tenait autrefois, l’abbé Paparelli, le caudataire qui remplissait aussi la fonction de maître de chambre, attendait les visiteurs en marchant à petits pas silencieux ; et jamais il n’avait plus ressemblé à une très vieille fille en jupe noire, blêmie, ridée par des pratiques trop sévères, avec son humilité conquérante, son air louche de toute-puissance obséquieuse. Enfin, dans la troisième antichambre, l’antichambre noble, où la barrette, posée sur une crédence, faisait face au grand portrait impérieux du cardinal en costume de cérémonie, le secrétaire, don Vigilio, avait quitté sa petite table de travail pour se tenir à la porte de la salle du trône, saluant d’une révérence les personnes qui en passaient le seuil.