Était-ce, longtemps après les tristesses d’Avignon, Jules II qui porta la cuirasse et qui raffermit la puissance politique du Saint-Siège ? Était-ce Léon X, le fastueux, le glorieux patron de la Renaissance, de tout un grand siècle d’art, mais l’esprit court et imprévoyant qui traitait Luther de simple moine révolté ? Était-ce Pie V, la réaction noire et vengeresse, la flamme des bûchers châtiant la terre redevenue païenne, était-ce quelque autre des papes qui régnèrent après le concile de Trente, d’une foi absolue, la croyance rétablie dans son intégrité, l’Église sauvée par son orgueil, son intransigeance, son entêtement au respect total des dogmes ? Était-ce, au déclin de la papauté, lorsqu’elle n’avait plus été qu’une maîtresse de cérémonies, réglant le gala des grandes monarchies de l’Europe, était-ce Benoît XIV, la vaste intelligence, le profond théologien, qui, les mains liées, ne pouvant plus disposer des royaumes de ce monde, avait passé sa belle vie à réglementer les choses du ciel ? Et l’histoire de cette papauté se déroulait ainsi, la plus prodigieuse des histoires, toutes les fortunes, les plus basses, les plus misérables, comme les plus hautes, les plus éclatantes, une obstinée volonté de vivre qui l’avait fait vivre quand même, au travers des incendies, des massacres et des écroulements de peuples, toujours militante et debout dans la personne de ses papes, la plus extraordinaire lignée de souverains absolus, conquérants et dominateurs, tous maîtres du monde, même les chétifs et les humbles, tous glorieux de l’impérissable gloire du ciel, lorsqu’on les évoquait de la sorte, dans ce Vatican séculaire, où leurs ombres sûrement se réveillaient la nuit, venaient rôder par les galeries sans fin, par les salles immenses, au fond de ce silence anéanti de tombe, dont le frisson devait être fait du léger frôlement de leurs pas sur les dalles de marbre.
Mais Pierre, maintenant, se disait qu’il le connaissait bien, le grand pape que Léon XIII voulait être. C’était,