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— Monsieur Giordano, demanda enfin celui-ci, vous n’êtes pas trop inquiet, j’espère ?… Ce n’est qu’une mauvaise digestion, n’est-ce pas ?

Le médecin s’inclina une seconde fois. Il devinait, au léger tremblement de la voix, la cruelle anxiété de cet homme puissant, frappé encore dans la plus chère affection de son cœur.

— Votre Éminence doit avoir raison, une digestion mauvaise certainement. Parfois, de tels accidents sont dangereux, quand la fièvre s’en mêle… Je n’ai pas besoin de dire à Votre Éminence combien elle peut compter sur ma prudence et sur mon zèle…

Il s’interrompit, pour reprendre aussitôt de sa voix nette de praticien :

— Le temps presse, il faut déshabiller le prince et agir promptement. Qu’on me laisse un instant seul, j’aime mieux cela.

Cependant, il retint Victorine, en disant qu’elle l’aiderait. S’il avait besoin d’un autre aide, il prendrait Giacomo. Son désir évident était d’éloigner la famille, afin d’être plus libre, sans témoins gênants. Et le cardinal comprit, s’empara doucement de Benedetta, pour l’emmener lui-même à son bras jusque dans la salle à manger, où Pierre et don Vigilio les suivirent.

Quand les portes furent refermées, le plus morne et le plus pesant des silences régna dans cette salle à manger, que le clair soleil d’hiver inondait d’une lumière et d’une tiédeur délicieuses. La table était toujours servie, avec son couvert abandonné, la nappe salie de miettes, une tasse de café à demi pleine encore ; et, au milieu, se trouvait le panier de figues, dont on avait écarté les feuilles, mais où ne manquaient que deux ou trois fruits. Devant la fenêtre, Tata, la perruche, sortie de sa cage, était sur son bâton, ravie, éblouie, dans un grand rayon jaune, où dansaient des poussières. Pourtant, elle avait cessé de crier et de se lisser les plumes du bec, étonnée