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de passer un long mois, cloué là par sa blessure à l’épaule. On y arrivait en traversant un petit salon ; et, partant du cabinet de toilette voisin, un couloir reliait ces pièces à l’appartement intime du cardinal : la salle à manger, la chambre à coucher, le cabinet de travail, relativement étroits, qu’on avait taillés dans une des immenses salles de jadis, à l’aide de cloisons. Il y avait encore la chapelle, dont la porte ouvrait sur le couloir, une simple chambre nue, où se trouvait un autel de bois peint, sans un tapis, sans une chaise, rien que le carreau dur et froid, pour s’agenouiller et prier.

En entrant, Benedetta courut au lit, sur lequel Dario était allongé, tout vêtu. Près de lui, le cardinal Boccanera se tenait debout, paternellement ; et, dans l’inquiétude commençante, il gardait sa haute taille fière, son calme d’âme souveraine et sans reproche.

— Quoi donc ? mon Dario, que t’arrive-t-il ?

Mais le prince eut un sourire, voulant la rassurer. Il n’était encore que très pâle, l’air ivre.

— Oh ! ce n’est rien, un étourdissement… Imagine-toi, c’est comme si j’avais bu. Tout d’un coup, j’ai vu trouble, et il m’a semblé que j’allais tomber… Alors, je n’ai eu que le temps de venir me jeter sur mon lit.

Il respira fortement, en homme qui a besoin de reprendre haleine. Et le cardinal, à son tour, entra dans quelques détails.

— Nous achevions tranquillement de déjeuner, je donnais des ordres à don Vigilio pour l’après-midi, et j’étais sur le point de quitter la table, lorsque j’ai vu Dario se lever et chanceler… Il n’a pas voulu se rasseoir, il est venu ici d’un pas vacillant de somnambule, en ouvrant les portes de ses mains tâtonnantes… Et nous l’avons suivi, sans comprendre. J’avoue que je cherche, que je ne comprends pas encore.

D’un geste, il disait sa surprise, il indiquait l’appartement, où semblait avoir soufflé un brusque vent de