longue table, recouverte d’une nappe brodée, chargée d’assiettes de fruits, de pâtisseries, de viandes froides. Des gerbes de fleurs s’y dressaient, au milieu des bouteilles de champagne, des punchs brûlants et des sorbets glacés, de l’armée des verres, des tasses à thé et des bols à bouillon, toute une richesse de cristaux, de porcelaines, d’argenterie étincelante aux lumières. Et l’innovation heureuse était qu’on avait empli toute une moitié de la salle par des rangées de petites tables, où les invités, au lieu de consommer debout, pouvaient s’asseoir et se faire servir, comme dans un café.
Pierre, à une de ces petites tables, aperçut Narcisse, assis près d’une jeune femme ; et Prada s’approcha, en reconnaissant Lisbeth.
— Vous voyez que vous me retrouvez en belle compagnie, dit galamment l’attaché d’ambassade. Puisque vous m’aviez perdu, je n’ai rien trouvé de mieux que d’aller offrir mon bras à madame pour l’amener ici.
— Une bonne idée, dit Lisbeth avec son joli rire, d’autant plus que j’avais très soif.
Ils s’étaient fait servir du café glacé, qu’ils buvaient lentement, à l’aide de petites cuillers de vermeil.
— Moi aussi, déclara le comte, je meurs de soif, je ne puis pas me désaltérer… Vous nous invitez, n’est-ce pas ? cher monsieur. Ce café-là va peut-être me calmer un peu… Ah ! chère amie, que je vous présente donc monsieur l’abbé Froment, un jeune prêtre français des plus distingués.
Tous quatre demeurèrent longtemps assis, causant et s’égayant un peu des invités qui défilaient. Mais Prada restait préoccupé, malgré sa galanterie habituelle pour son amie ; par moments, il l’oubliait, retombait dans sa souffrance ; et ses yeux, quand même, retournaient vers la galerie voisine, d’où lui arrivaient des bruits de musique et de danse.
— Eh bien ! mon ami, à quoi donc pensez-vous ?