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— Je vous remercie, vous faites là un vœu qui est dans le cœur de tout bon Italien.

Mais sa voix s’étrangla. Pendant qu’il regardait Celia et Attilio, qui causaient en se souriant, il venait d’apercevoir Benedetta et Dario, qui les rejoignaient, avec le même sourire d’immense bonheur. Et, lorsque les deux couples furent réunis, si éclatants, si triomphants de vie heureuse et superbe, il n’eut plus la force de rester là, de les voir et de souffrir.

— J’ai une soif à crever, dit-il brutalement. Venez donc au buffet boire quelque chose.

Et il manœuvra pour se glisser derrière la foule, le long des fenêtres, de manière à ne pas être remarqué, en gagnant la porte de la salle des Antiques, à l’extrémité de la galerie.

Comme Pierre le suivait, un flot de monde les sépara, et le prêtre se trouva porté vers les deux couples, qui causaient toujours tendrement. Celia, l’ayant reconnu, l’appela d’un petit geste amical. Elle était en extase devant Benedetta, dans son culte ardent de la beauté, joignant devant elle ses petites mains de lis, comme elle les joignait devant la Madone.

— Oh ! monsieur l’abbé, faites-moi ce plaisir, dites-lui qu’elle est belle, oh ! plus belle que tout ce qu’il y a de plus beau sur la terre, plus belle que le soleil, la lune et les étoiles !… Si tu savais, chérie, ça m’en donne un frisson, de te voir belle à ce point, belle comme le bonheur, belle comme l’amour !

Benedetta se mit à rire, pendant que les deux jeunes gens s’égayaient.

— Tu es aussi belle que moi, chérie… C’est parce que nous sommes heureuses que nous sommes belles.

Celia répéta doucement :

— Oui, oui, heureuse !… Te rappelles-tu le soir où tu me disais que ça ne réussissait guère, de marier le roi et le pape ? Attilio et moi, nous les marions, et nous sommes si heureux pourtant !