d’un geste, il montrait la galerie, le prince Buongiovanni en ce moment incliné devant le roi, la princesse écoutant les galanteries de Sacco, l’aristocratie papale abattue, les parvenus d’hier acceptés, le monde noir et le monde blanc mêlés à ce point, qu’il n’y avait plus guère là que des sujets, à la veille de ne faire qu’un peuple. L’impossible conciliation entre le Quirinal et le Vatican ne s’indiquait-elle pas comme fatale dans les faits, sinon dans les principes, en face de l’évolution quotidienne, de ces hommes, de ces femmes en joie, riants et parés, que le souffle du désir emportait ? Il fallait bien vivre, aimer, être aimé, faire de la vie, éternellement ! Et le mariage d’Attilio et de Celia allait être le symbole de l’union nécessaire, la jeunesse et l’amour victorieux des vieilles haines, toutes les querelles oubliées dans cette étreinte du beau garçon qui passe et qui emmène à son cou la belle fille conquise, pour que le monde continue.
— Voyez-les donc, reprit Pierre, sont-ils beaux, ces fiancés, et jeunes, et gais, et riant à l’avenir ! Je comprends bien que votre roi soit venu ici pour faire plaisir à son ministre et pour achever de rallier à son trône une des vieilles familles romaines : c’est de la bonne, de la brave et paternelle politique. Mais je veux croire aussi qu’il a compris la touchante signification de ce mariage, la vieille Rome, dans la personne de cette délicieuse enfant, si ingénue, si amoureuse, se donnant à la jeune Italie, à cet enthousiaste et loyal garçon, qui porte si crânement l’uniforme. Et que leurs noces soient donc définitives et fécondes, qu’il naisse d’elles le grand pays que je vous souhaite d’être, de toute mon âme, maintenant que j’apprends à vous connaître !
Dans l’ébranlement douloureux de son ancien rêve d’une Rome évangélique et universelle, il venait de prononcer ce souhait d’une nouvelle fortune pour l’éternelle cité, avec une si vive, si profonde émotion, que Prada ne put s’empêcher de répondre :