trois mois, sans arriver seulement à être reçu par le pape ? Dans son étourdissement, il entendit Narcisse, qui lui parlait d’art.
— C’est étonnant comme le corps de la femme s’est abîmé, depuis nos affreux temps de démocratie. Il s’empâte, il devient horriblement commun. Voyez donc là, devant nous, pas une qui ait la ligne florentine, la poitrine petite, le col dégagé et royal…
Il s’interrompit, pour s’écrier :
— Ah ! en voici une qui est assez bien, la blonde, avec des bandeaux. Tenez ! celle que monsignor Fornaro vient d’aborder.
Depuis un instant, en effet, monsignor Fornaro allait de belle dame en belle dame, d’un air d’aimable conquête. Il était superbe, ce soir-là, avec sa haute taille décorative, ses joues fleuries, sa bonne grâce victorieuse. Aucune histoire leste ne circulait sur son compte, il était accepté simplement comme un prélat galant qui se plaisait dans la compagnie des femmes. Et il s’arrêtait, causait, se penchait au-dessus des épaules nues, les frôlait, les respirait, les lèvres humides et les yeux riants, dans une sorte de ravissement dévot.
Il aperçut Narcisse, qu’il rencontrait parfois. Il s’avança. Le jeune homme dut le saluer.
— Vous allez bien, monseigneur, depuis que j’ai eu l’honneur de vous voir à l’ambassade ?
— Oh ! très bien, très bien !… Hein ? quelle délicieuse fête !
Pierre s’était incliné. C’était cet homme, dont le rapport avait fait condamner son livre ; et il lui reprochait surtout son air de caresse, les promesses menteuses de son accueil si charmant. Mais le prélat, très fin, dut sentir qu’il avait appris l’arrêt de la congrégation. Aussi trouva-t-il plus digne de ne pas le reconnaître ouvertement. Il se contenta, lui aussi, d’incliner la tête, avec un léger sourire.