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l’avait décidé à partir, par bonne politique, passionné lui-même pour une victoire qu’à l’avance il faisait sienne. Et, dès lors, l’effarement de Pierre se comprenait, tombant dans cette demeure inconnue, engagé dans une aventure héroïque dont les raisons et les conditions lui échappaient.

Victorine reprit tout d’un coup :

— Mais je vous laisse là, monsieur l’abbé… Je vais vous conduire dans votre chambre. Où est votre malle ?

Puis, lorsqu’il lui eut montré sa valise, qu’il s’était décidé à poser par terre, en lui expliquant que, pour un séjour de quinze jours, il s’était contenté d’une soutane de rechange, avec un peu de linge, elle sembla très surprise.

— Quinze jours ! vous croyez ne rester que quinze jours ? Enfin, vous verrez bien.

Et, appelant un grand diable de laquais qui avait fini par se montrer :

— Giacomo, montez ça dans la chambre rouge… Si monsieur l’abbé veut me suivre ?

Pierre venait d’être tout égayé et réconforté par cette rencontre imprévue d’une compatriote, si vive, si bonne femme, au fond de ce sombre palais romain. Maintenant, en traversant la cour, il l’écoutait lui conter que la princesse était sortie, et que la contessina, comme on continuait à appeler Benedetta dans la maison, par tendresse, malgré son mariage, n’avait pas encore paru ce matin-là, un peu souffrante. Mais elle répétait qu’elle avait des ordres.

L’escalier se trouvait dans un angle de la cour, sous le portique : un escalier monumental, aux marches larges et basses, si douces, qu’un cheval aurait pu les monter aisément, mais aux murs de pierre si nus, aux paliers si vides et si solennels, qu’une mélancolie de mort tombait des hautes voûtes.

Arrivée au premier étage, Victorine eut un sourire, en