arbres séculaires. De ce point de la route, lorsqu’on se retournait vers Frascati, on apercevait, très haut, à la lisière d’un bois de pins, les ruines lointaines de Tusculum, de grandes ruines rousses, cuites par des siècles de soleil, et d’où la vue sans bornes devait être admirable. Puis, on traversait Marino, à la grande rue en pente, à la vaste église, au vieux palais noirci et à demi mangé des Colonna. Puis, après un bois de chênes verts, on longeait le lac d’Albano, spectacle unique au monde : les ruines d’Albe la Longue en face, de l’autre côté des eaux immobiles, clair miroir ; le Monte Cave à gauche, avec Rocca di Papa et Palazzola ; et Castel-Gandolfo à droite, dominant le lac, comme du haut d’une falaise. Dans le cratère éteint, ainsi qu’au fond d’une coupe de verdure géante, le lac dormait, lourd et mort, une nappe de métal fondu, que le soleil moirait d’or d’un côté, tandis que l’autre moitié, dans l’ombre, était noire. Et la route montait ensuite, jusqu’à Castel-Gandolfo, perché sur son rocher, tel qu’un oiseau blanc, entre le lac et la mer, toujours rafraîchi par une brise, même aux heures les plus brûlantes de l’été, autrefois célèbre par sa villa des papes, où Pie IX aimait à vivre des journées d’indolence, où Léon XIII n’est jamais venu. Et la route descendait ensuite ; et les chênes verts recommençaient, des chênes verts fameux par leur énormité, une double rangée de colosses, de monstres aux membres tordus, deux ou trois fois centenaires ; et l’on arrivait enfin à Albano, une petite ville moins nettoyée, moins modernisée que Frascati, un coin de terroir qui a gardé un peu de son odeur d’ancienne sauvagerie ; et c’était encore l'Ariccia, avec le palais Chigi, des coteaux couverts de forêts, des ponts enjambant des gorges débordantes d’ombrages ; et c’était encore Genzano, c’était encore Nemi, de plus en plus reculés et farouches, perdus au milieu des rocs et des arbres.
Ah ! ce Nemi, quel souvenir ineffaçable Pierre en avait