et s’il avait compris, ne serait-il pas peut-être le pape attendu, acceptant la tâche de réorganiser l’Église des États-Unis d’Europe, maîtresse spirituelle du monde ? Il le remercia avec émotion, s’inclina et le laissa à son rêve, debout devant cette fenêtre grande ouverte, d’où Rome lui apparaissait au loin toute précieuse et luisante comme un joyau, telle la tiare d’or et de pierreries, dans le resplendissement du soleil d’automne.
Il était près d’une heure, lorsque Pierre et le comte Prada purent enfin déjeuner, à une des petites tables du restaurant, où ils s’étaient donné rendez-vous. Leurs affaires les avaient retardés l’un et l’autre. Mais le comte paraissait fort gai, ayant réglé à son avantage des questions fâcheuses ; et le prêtre lui-même, repris d’espérance, s’abandonnait, se laissait délicieusement vivre, dans la douceur de ce dernier beau jour. Aussi le déjeuner fut-il charmant, au milieu de la grande salle claire, peinte en bleu et en rose, absolument déserte à cette époque de l’année. Des Amours volaient au plafond, des paysages rappelant de loin les Châteaux romains décoraient les murs. Et ils mangèrent des choses fraîches, ils burent de ce vin de Frascati, qui a un goût brûlé de terroir, comme si les anciens volcans avaient laissé à la terre un peu de leur flamme.
Longuement, la conversation roula sur les monts Albains, dont la grâce farouche domine si heureusement la plate Campagne romaine, pour le plaisir des yeux. Pierre, qui avait fait la classique excursion en voiture, de Frascati à Nemi, était resté sous le charme ; et il en parlait encore avec feu. C’était d’abord l’adorable chemin de Frascati à Albano, montant et descendant au flanc des collines, plantées de roseaux, de vignes et d’oliviers, parmi lesquels s’ouvraient de continuelles échappées sur l’immensité houleuse de la Campagne. À gauche, le village de Rocca di Papa, en amphithéâtre, blanchissait sur un mamelon, au-dessous du Monte Cave, couronné de grands