Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/465

Cette page n’a pas encore été corrigée

sentait pas moins dans l’autre une concurrence, une très vieille ennemie, qui se prétendait même plus ancienne qu’elle, et dont la victoire restait toujours possible. Surtout, le heurt résultait de ce que les deux sectes avaient la même ambition de souveraineté universelle, la même organisation internationale, le même coup de filet jeté sur les peuples, des mystères, des dogmes, des rites. Dieu contre Dieu, foi contre foi, conquête contre conquête ; et, dès lors, de même que deux maisons rivales, établies aux deux côtés d’une rue, elles se gênaient, l’une devait finir par tuer l’autre. Mais, si le catholicisme lui semblait caduc, menacé de ruine, il restait également sceptique sur la puissance de la Franc-Maçonnerie. Il avait questionné, fait une enquête, pour se rendre compte de la réalité de cette puissance, dans cette ville de Rome où les deux pouvoirs suprêmes se trouvaient en présence, où le grand maître trônait en face du pape. On lui avait bien raconté que les derniers princes romains se croyaient forcés de se faire recevoir francs-maçons, pour ne pas se rendre la vie trop rude, aggraver leur situation difficile, barrer l’avenir de leurs fils. Seulement, ne cédaient-ils pas uniquement à la force irrésistible de l'évolution sociale actuelle ? La Franc-Maçonnerie n’allait-elle pas être noyée, elle aussi, dans son propre triomphe, celui des idées de justice, de raison et de vérité, qu’elle avait si longtemps défendues, au travers des ténèbres et des violences de l’histoire ? C’est un fait constant, la victoire de l’idée tue la secte qui la propage, rend inutile et un peu baroque l’appareil dont les sectaires ont dû s’entourer pour frapper les imaginations. Le carbonarisme n’a pu survivre à la conquête des libertés politiques qu’il réclamait, et le jour où l’Église catholique croulera, ayant fait son œuvre civilisatrice, l’autre Église, l’Église franc-maçonne d’en face, disparaîtra de même, sa tâche de libération étant faite. Aujourd’hui, la fameuse toute-puissance des loges serait un pauvre instrument