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l’usure profonde et irrémédiable, elle fonctionnait sans qu’on la devinât, derrière les murs. Toute la politique de l’Église n’était-elle pas là ? se taire, écrire le moins possible, attendre. Mais quelle mécanique prodigieuse, surannée et si puissante encore ! Et comme il se sentait pris, au milieu de ces congrégations, dans le réseau de fer du plus absolu pouvoir qu’on eût jamais organisé pour dominer les hommes ! Il avait beau y constater des lézardes, des trous, une vétusté annonçant la ruine, il ne lui appartenait pas moins, depuis qu’il s’y était risqué, il était saisi, broyé, emporté au travers de cet inextricable filet, de ce labyrinthe sans fin des influences et des intrigues, où s’agitaient les vanités et les vénalités, les corruptions et les ambitions, tant de misère et tant de grandeur. Et qu’il était loin de la Rome qu’il avait rêvée, et quelle colère le soulevait parfois dans sa lassitude, dans sa volonté de se défendre !

Brusquement, des choses s’expliquaient, que Pierre n’avait jamais comprises. Un jour qu’il était retourné à la Propagande, le cardinal Sarno lui parla de la Franc-Maçonnerie avec une telle rage froide, que, tout d’un coup, il vit clair. Jusque-là, la Franc-Maçonnerie l’avait fait sourire, il n’y croyait guère plus qu’aux Jésuites, trouvant enfantines les ridicules histoires qui circulaient, renvoyant à la légende ces hommes de mystère et d’ombre, dont le secret pouvoir, incalculable, aurait gouverné le monde. Il s’étonnait surtout de la haine aveugle qui affolait certaines gens, dès que le mot de francs-maçons leur venait aux lèvres : un prélat, et des plus distingués, des plus intelligents, lui avait affirmé d’un air de conviction profonde que toute loge maçonnique était présidée, au moins une fois l’an, par le Diable en personne, visible. C’était à confondre le simple bon sens. Et il venait de comprendre la rivalité, la furieuse lutte de l’Église catholique et romaine contre l’autre Église, l’Église d’en face. La première avait beau se croire triomphante, elle n’en