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et brave au moins, et d’une intelligence supérieure. J’ajoute que celui-ci vous brûlerait comme une poignée de paille, s’il était le maître… Et si je pouvais tout vous dire, si je vous faisais entrer avec moi dans les effroyables dessous de ce monde, les monstrueux appétits d’ambition, les complications abominables des intrigues, les vénalités, les lâchetés, les traîtrises, les crimes même !

En le voyant si exalté, sous la flambée d’une telle rancune, Pierre songea à tirer de lui les renseignements qu’il avait en vain cherchés jusque-là.

— Dites-moi seulement où en est mon affaire. Lorsque je vous ai questionné, dès mon arrivée ici, vous m’avez répondu qu’aucune pièce n’était encore parvenue au cardinal. Mais le dossier s’est formé, vous devez être au courant, n’est-ce pas ?… Et, à ce propos, monsignor Fornaro m’a parlé de trois évêques français qui auraient dénoncé mon livre, en exigeant des poursuites. Trois évêques ! est-ce possible ?

Don Vigilio haussa violemment les épaules.

— Ah ! vous êtes une belle âme ! Moi, je suis surpris qu’il n’y en ait que trois… Oui, plusieurs pièces de votre affaire sont entre nos mains, et d’ailleurs je me doutais bien de ce qu’elle pouvait être, votre affaire. Les trois évêques sont l’évêque de Tarbes d’abord, qui évidemment exécute les vengeances des pères de Lourdes, puis les évêques de Poitiers et d’Évreux, tous les deux connus par leur intransigeance ultramontaine, adversaires passionnés du cardinal Bergerot. Ce dernier, vous le savez, est mal vu au Vatican, où ses idées gallicanes, son esprit largement libéral soulèvent de véritables colères… Et ne cherchez pas autre part, toute l’affaire est là, une exécution que les tout-puissants pères de Lourdes exigent du Saint-Père, sans compter qu’on désire atteindre, par-dessus votre livre, le cardinal, grâce à la lettre d’approbation qu’il vous a si imprudemment écrite et que vous avez publiée en guise de préface… Depuis longtemps, les