Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/428

Cette page n’a pas encore été corrigée

malsains, en les honorant d’une condamnation particulière. Ils sont légions, chez tous les peuples, et nous n’aurions ni assez de papier, ni assez d’encre, pour les atteindre. De temps à autre, nous nous contentons d’en frapper un, lorsqu’il est signé d’un nom célèbre, qu’il fait trop de bruit ou qu’il renferme des attaques inquiétantes contre la foi. Cela suffit pour rappeler au monde que nous existons et que nous nous défendons, sans rien abandonner de nos droits ni de nos devoirs.

— Mais mon livre, mon livre ? s’écria Pierre, pourquoi cette poursuite contre mon livre ?

— Je vous l’explique, autant que cela m’est permis, mon cher monsieur Froment. Vous êtes prêtre, votre livre a du succès, vous en avez publié une édition à bon marché qui se vend très bien ; et je ne parle pas du mérite littéraire qui est remarquable, un souffle de réelle poésie qui m’a transporté et dont je vous fais mon sincère compliment… Comment voulez-vous que, dans ces conditions, nous fermions les yeux sur une œuvre où vous concluez à l’anéantissement de notre sainte religion et à la destruction de Rome ?

Pierre resta béant, suffoqué de surprise.

— La destruction de Rome, grand Dieu ! mais je la veux rajeunie, éternelle, de nouveau reine du monde !

Et, repris de son brûlant enthousiasme, il se défendit, il confessa de nouveau sa foi, le catholicisme retournant à la primitive Église, puisant un sang régénéré dans le christianisme fraternel de Jésus, le pape libéré de toute royauté terrestre, régnant sur l’humanité entière par la charité et l’amour, sauvant le monde de l’effroyable crise sociale qui le menace, pour le conduire au vrai royaume de Dieu, à la communauté chrétienne de tous les peuples unis en un seul peuple.

— Est-ce que le Saint-Père peut me désavouer ? Est-ce que ce ne sont pas là ses idées secrètes, qu’on commence à deviner et que mon seul tort serait d’exprimer trop tôt