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homme, grand et fort, dont les cinquante-cinq ans fleurissaient. Rose, rasé, avec des boucles de cheveux à peine grisonnants, il avait un nez aimable, des lèvres humides, des yeux caresseurs, tout ce que la prélature romaine peut offrir de plus séduisant et de plus décoratif. Il était vraiment superbe dans sa soutane noire à collet violet, très soigné de sa personne, d’une élégance simple. Et la vaste pièce où il recevait, gaiement éclairée par deux larges fenêtres sur la place Navone, meublée avec un goût très rare aujourd’hui chez le clergé romain, sentait bon, lui faisait un cadre de belle humeur et de bienveillant accueil.

— Asseyez-vous donc, monsieur l’abbé Froment, et veuillez me dire ce qui me cause l’honneur de votre visite.

Il s’était remis, l’air naïf, simplement obligeant ; et Pierre, tout d’un coup, devant cette question naturelle, qu’il aurait dû prévoir, se trouva très gêné. Allait-il donc aborder directement l’affaire, avouer le motif délicat de sa visite ? Il sentit que c’était encore le parti le plus prompt et le plus digne.

— Mon Dieu ! monseigneur, je sais que ce que je viens faire près de vous ne se fait pas. Mais on m’a conseillé cette démarche, et il m’a semblé qu’entre honnêtes gens, il ne peut jamais être mauvais de chercher la vérité de bonne foi.

— Quoi donc, quoi donc ? demanda le prélat, d’un air de candeur parfaite, sans cesser de sourire.

— Eh bien ! tout bonnement, j’ai su que la congrégation de l’Index vous avait remis mon livre : La Rome Nouvelle, en vous chargeant de l’examiner, et je me permets de me présenter, dans le cas où vous auriez à me demander quelques explications.

Mais monsignor Fornaro parut ne pas vouloir en entendre davantage. Il porta les deux mains à sa tête, se recula, toujours courtois cependant.

— Non, non ! ne me dites pas cela, ne continuez pas,