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âmes conquises donnaient les corps. Aussi était-ce une lutte incessante, dans laquelle la congrégation favorisait les missionnaires de l’Italie ou des nations alliées, dont elle souhaitait l’occupation victorieuse. Toujours elle s’était montrée jalouse de sa rivale française, la Propagation de la foi, installée à Lyon, aussi riche qu’elle, aussi puissante, plus abondante en hommes d’énergie et de courage. Elle ne se contentait pas de la frapper d’un tribut considérable, elle la contrecarrait, la sacrifiait, partout où elle craignait son triomphe. À maintes reprises, les missionnaires français, les ordres français venaient d’être chassés, pour céder la place à des religieux italiens ou allemands. Et c’était maintenant ce secret foyer d’intrigues politiques que Pierre devinait, sous l’ardeur civilisatrice de la foi, dans le cabinet morne et poussiéreux, que jamais n’égayait le soleil. Son frisson l’avait repris, ce frisson des choses que l’on sait et qui, tout d’un coup, un jour, vous apparaissent monstrueuses et terrifiantes. N’était-ce pas à bouleverser les plus sages, à faire pâlir les plus braves, cette machine de conquête et de domination, universellement organisée, fonctionnant dans le temps et dans l’espace avec un entêtement d’éternité, ne se contentant pas de vouloir les âmes, mais travaillant à son règne futur sur tous les hommes, et, comme elle ne peut encore les prendre pour elle, disposant d’eux, les cédant au maître temporaire qui les lui gardera ? Quel rêve prodigieux, Rome souriante, attendant avec tranquillité le siècle où elle aura absorbé les deux cents millions de Mahométans et les sept cents millions de Brahmanistes et de Bouddhistes, dans un peuple unique dont elle sera la reine spirituelle et temporelle, au nom du Christ triomphant !

Un bruit de toux fit retourner Pierre, et il tressaillit en apercevant le cardinal Sarno, qu’il n’avait pas entendu entrer. Ce fut pour lui, d’être trouvé de la sorte devant cette carte, comme si on le surprenait en train de mal