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places de la ville, qu’il avait trouvées banales d’abord, qui lui apparaissaient maintenant très diverses, ayant chacune son originalité profonde : la place du Peuple, si ensoleillée, si noble, dans sa symétrie monumentale ; la place d’Espagne, le rendez-vous si vivant des étrangers, avec son double escalier de cent trente-deux marches, doré par les étés, d’une ampleur et d’une grâce géantes ; la place Colonna, vaste, toujours grouillante de peuple, la plus italienne par cette foule de paresse et d’insoucieux espoir, debout, flânant autour de la colonne de Marc-Aurèle, en attendant que la fortune lui tombe du ciel ; la place Navone, longue, régulière, déserte depuis que le marché ne s’y tient plus, gardant le mélancolique souvenir de sa vie bruyante d’autrefois ; la place du Campo de' Fiori, envahie chaque matin par le tumulte du marché aux fruits et du marché aux légumes, toute une plantation de grands parapluies, des entassements de tomates, de piments, de raisins, au milieu du flot glapissant des marchandes et des ménagères. Sa grande surprise fut la place du Capitole, qui éveillait en lui une idée de sommet, de lieu découvert dominant la ville et le monde, et qu’il trouva petite, carrée, enfermée entre ses trois palais, ouverte d’un seul côté sur un court horizon, borné par quelques toitures. Personne ne passe là, on monte par une rampe d’accès que bordent des palmiers, les étrangers seuls font un détour pour arriver en voiture. Les voitures attendent, les touristes stationnent un moment, le nez levé vers l’admirable bronze antique, le Marc-Aurèle à cheval, placé au centre. Vers quatre heures, lorsque le soleil dore le palais de gauche, détachant sur le ciel bleu les fines statues de l’entablement, on dirait une tiède et douce petite place de province, avec ses femmes du voisinage qui tricotent, assises sous le portique, et ses bandes d’enfants dépenaillés, lâchés là comme toute une école dans une cour de récréation.