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dans un besoin de détendre et d’exhaler sa douleur. Puis, se penchant, elle guetta la vie sur ce visage pâle, aux yeux fermés. Il respirait en effet, mais d’une respiration très lente, à peine sensible. Une faible rougeur pourtant montait à ses joues, et il finit par ouvrir les yeux.

Tout de suite, elle lui avait pris la main, la lui avait serrée, comme pour y mettre l’angoisse de son cœur ; et elle fut si heureuse de sentir qu’il lui rendait faiblement son étreinte.

— Dis ? tu me vois, tu m’entends… Qu’est-il arrivé, mon Dieu ?

Mais lui, sans répondre, s’inquiétait de la présence de Pierre. Quand il l’eut reconnu, il parut l’accepter, cherchant du regard, avec crainte, si personne autre n’était dans la chambre. Et il finit par murmurer :

— Personne n’a vu, personne ne sait ?…

— Non, non, tranquillise-toi. Nous avons pu te monter avec Victorine, sans rencontrer âme qui vive. Ma tante est sortie, mon oncle est enfermé chez lui.

Alors, il sembla soulagé, il eut un sourire.

— Je veux que personne ne sache, c’est si bête !

— Qu’est-il donc arrivé, mon Dieu ? demanda-t-elle de nouveau.

— Ah ! je ne sais pas, je ne sais pas…

Il abaissait les paupières, d’un air de fatigue, tâchant d’échapper à la question. Puis, il dut comprendre qu’il ferait mieux de dire tout de suite une partie de la vérité.

— Un homme qui s’était caché dans l’ombre du porche, au crépuscule, et qui devait m’attendre… Sans doute, alors, quand je suis rentré, il m’a planté son couteau, là, dans l’épaule.

Frémissante, elle se pencha encore, le regarda au fond des yeux, en demandant :

— Mais qui donc, qui donc, cet homme ?

Et, comme il bégayait, d’une voix de plus en plus lasse, qu’il ne savait pas, que l’homme avait fui dans les