Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/364

Cette page n’a pas encore été corrigée

déserte ni du vieux palais vide, muet et songeur comme une tombe. Et, à ce moment, dans ce salon si mollement endormi, plein désormais de la douceur d’un rêve d’espoir, il y eut une entrée en tempête, un tourbillon de jupes, une haleine entrecoupée d’épouvante. C’était Victorine, qui, disparue depuis qu’elle avait apporté la lampe, revenait essoufflée, effarée.

— Contessina, contessina…

Benedetta s’était levée, toute blanche, toute froide soudainement comme à l’entrée d’un vent de malheur.

— Quoi ? quoi ?… Qu’as-tu à courir et à trembler ?

— Dario, monsieur Dario, en bas… J’étais descendue pour voir si l’on avait allumé la lanterne du porche, parce qu’on l’oublie souvent… Et là, sous le porche, dans l’ombre, j’ai buté contre monsieur Dario… Il est par terre, il a un coup de couteau quelque part.

Un cri jaillit du cœur de l’amoureuse :

— Mort !

— Non, non, blessé.

Mais elle n’entendait pas, elle continuait à crier d’une voix qui montait :

— Mort ! Mort !

— Non, non, il m’a parlé… Et, de grâce, taisez-vous ! Il m’a fait taire, moi, parce qu’il ne veut pas qu’on sache ; il m’a dit de venir vous chercher, vous, vous seule ; et, tant pis ! puisque monsieur l’abbé est là, il va descendre nous aider. Ce ne sera pas de trop.

Pierre l’écoutait, éperdu lui aussi. Et, lorsqu’elle voulut prendre la lampe, sa main droite qui tremblait apparut tachée de sang, ayant sans doute tâté le corps, par terre. Cette vue fut si horrible pour Benedetta, qu’elle se remit à gémir follement.

— Taisez-vous donc ! taisez-vous donc !… Descendons sans faire de bruit. Je prends la lampe, parce que tout de même il faut voir clair… Vite, vite !

En bas, en travers du porche, devant l’entrée du vestibule,