fenêtre même, à gauche, l’abomination du nouveau quartier inachevé des Prés du Château. L’après-midi, lorsqu’il se promenait dans ses jardins, que le mur de Léon IV bastionne comme un plateau de citadelle, il avait la vue affreuse du vallon qu’on a ravagé au pied du mont Mario, pour y établir des briqueteries, à l’heure fiévreuse de la folie des constructions. Les pentes vertes sont éventrées, des tranchées jaunâtres les coupent de toutes parts ; tandis que les usines, fermées aujourd’hui, ne sont plus que des ruines lamentables, avec leurs hautes cheminées mortes, d’où la fumée ne monte plus. Et, à toutes les autres heures du jour, il ne pouvait s’approcher de sa fenêtre, sans avoir sous les yeux le spectacle des bâtisses abandonnées, pour lesquelles avaient travaillé tant de briqueteries, ces bâtisses mortes également avant d’avoir vécu, où il n’y avait à cette heure que la misère grouillante de Rome, qui pourrissait là comme la décomposition même des vieilles sociétés.
Mais Pierre surtout s’imaginait que Léon XIII, l’ombre toute blanche là-haut, finissait par oublier le reste de la ville, pour laisser sa rêverie se fixer sur le Palatin, aujourd’hui découronné, ne dressant dans le ciel bleu que ses cyprès noirs. Sans doute il rebâtissait en pensée les palais des Césars, il aimait à y évoquer de grandes ombres glorieuses, vêtues de pourpre, ses ancêtres véritables, empereurs et grands pontifes, qui seuls pouvaient lui dire comment on régnait sur tous les peuples, en maître absolu du monde. Puis, ses regards allaient au Quirinal, et là il s’absorbait durant des heures, dans ce spectacle de la royauté d’en face. Quelle étrange rencontre, ces deux palais qui se regardent, le Quirinal et le Vatican, qui dominent, qui sont dressés l’un devant l’autre, par-dessus la Rome du moyen âge et de la Renaissance, dont les toitures, cuites et dorées sous les brûlants soleils, s’entassent et se confondent au bord du Tibre. Avec une simple jumelle de théâtre, le pape et le roi, quand ils se