la place Saint-Pierre, et ils s’assirent à la porte du restaurant où ils avaient déjà déjeuné, devant une des petites tables, au linge douteux, qui se trouvaient rangées là, le long du pavé. Mais la vue était vraiment superbe, la basilique en face, le Vatican à droite, au-dessus du développement majestueux de la colonnade. Tout de suite, Pierre avait levé les yeux, s’était remis à regarder ce Vatican qui le hantait, ce deuxième étage aux fenêtres toujours closes, où vivait le pape, où jamais rien de vivant n’apparaissait. Et, comme le garçon commentait son service en apportant des hors-d’œuvre, des finocchi et des anchois, le prêtre eut un léger cri, pour attirer l’attention de Narcisse.
— Oh ! voyez donc, mon ami… Là, à cette fenêtre, que l’on m’a donnée comme étant celle du Saint-Père… Vous ne distinguez pas une figure pâle, tout debout, immobile ?
Le jeune homme se mit à rire.
— Eh bien ! mais, ce doit être le Saint-Père en personne. Vous désirez tant le voir, que votre désir l’évoque.
— Je vous assure, répéta Pierre, qu’il y a là, derrière les vitres, une figure toute blanche qui regarde.
Narcisse, ayant grand'faim, mangeait en continuant de plaisanter. Puis, brusquement :
— Alors, mon cher, puisque le pape nous regarde, c’est le moment de nous occuper encore de lui… Je vous ai promis de vous raconter comment il avait englouti les millions du patrimoine de Saint-Pierre dans l’effroyable crise financière dont vous venez de voir les ruines, et une visite au quartier neuf des Prés du Château ne serait pas complète, si cette histoire, en quelque sorte, ne lui servait de conclusion.
Sans perdre une bouchée, il parla longuement. À la mort de Pie IX, le patrimoine de Saint-Pierre dépassait vingt millions. Longtemps, le cardinal Antonelli, qui spéculait et faisait généralement de bonnes affaires, avait laissé cet argent en partie chez Rothschild, en partie entre