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grisonnants dépeignés, envolés en mèches folles, sa jupe et sa camisole souillées, fendues, laissant voir la crasse des membres. Des deux mains, elle tenait sur ses genoux un nourrisson, son dernier-né, qui s’était endormi. Elle le regardait, comme foudroyée et sans courage, de l’air de la bête de somme résignée à son sort, en mère qui avait fait des enfants et les avait nourris sans savoir pourquoi.

— Ah ! bon, bon ! dit-elle en relevant la tête, c’est le monsieur qui est venu me donner un écu, parce qu’il t’avait rencontrée en train de pleurer. Et il revient nous voir avec des amis. Bon, bon ! il y a tout de même de braves cœurs.

Alors, elle dit leur histoire, mais mollement, sans chercher même à les apitoyer. Elle s’appelait Giacinta, elle avait épousé un maçon, Tommaso Gozzo, dont elle avait eu sept enfants, la Pierina, et puis Tito, un grand garçon de dix-huit ans, et quatre autres filles encore, de deux années en deux années, et puis celui-ci enfin, un garçon de nouveau, qu’elle tenait sur les genoux. Très longtemps, ils avaient habité le même logement au Transtévère, dans une vieille maison qu’on venait d’abattre. Et il semblait qu’on eût, en même temps, abattu leur existence ; car, depuis qu’ils s’étaient réfugiés aux Prés du Château, tous les malheurs les frappaient, la crise terrible sur les constructions qui avait réduit au chômage Tommaso et son fils Tito, la fermeture récente de l’atelier de perles de cire où la Pierina gagnait jusqu’à vingt sous, de quoi ne pas mourir de faim. Maintenant, personne ne travaillait plus, la famille vivait de hasard.

— Si vous préférez monter, madame et messieurs ? Vous trouverez là-haut Tommaso, avec son frère Ambrogio, que nous avons pris chez nous ; et ils sauront mieux vous parler, ils vous diront les choses qu’il faut dire… Que voulez-vous ? Tommaso se repose ; et c’est comme Tito, il dort, puisqu’il n’a rien de mieux à faire.