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les éclaboussaient de taches infâmes ; et, par les porches magnifiques, faits pour la royale sortie des équipages, c’était un ruisseau d’ignominie qui débouchait, des ordures et des fientes, dont les mares stagnantes pourrissaient ensuite sur la chaussée sans trottoirs.

À deux reprises, Dario avait fait revenir ses compagnons sur leurs pas. Il s’égarait, il s’assombrissait de plus en plus.

— J’aurais dû prendre à gauche. Mais comment voulez-vous savoir ? Est-ce possible, au milieu d’un monde pareil ?

Maintenant, des bandes d’enfants pouilleux se traînaient dans la poussière. Ils étaient d’une extraordinaire saleté, presque nus, la chair noire, les cheveux en broussaille, tels que des paquets de crins. Et des femmes circulaient en jupes sordides, en camisoles défaites, montrant des flancs et des seins de juments surmenées. Beaucoup, toutes droites, causaient entre elles, d’une voix glapissante ; d’autres, assises sur de vieilles chaises, les mains allongées sur les genoux, restaient ainsi pendant des heures, sans rien faire. On rencontrait peu d’hommes. Quelques-uns, allongés à l’écart, parmi l’herbe rousse, le nez contre la terre, dormaient lourdement au soleil.

Mais l’odeur surtout devenait nauséabonde, une odeur de misère malpropre, le bétail humain s’abandonnant, vivant dans sa crasse. Et cela s’aggrava des émanations d’un petit marché improvisé qu’il fallut franchir, des fruits gâtés, des légumes cuits et aigres, des fritures de la veille, à la graisse figée et rance, que de pauvres marchandes vendaient par terre, au milieu de la convoitise affamée d’un troupeau d’enfants.

— Enfin, je ne sais plus, ma chère ! s’écria le prince, en s’adressant à sa cousine. Sois raisonnable, nous en avons assez vu, retournons a la voiture.

Réellement, il souffrait ; et, selon le mot de Benedetta elle-même, il ne savait pas souffrir. Cela lui semblait