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quartiers inachevés et vides croulaient déjà, dans l’herbe des rues désertes. Cette fois, après deux mille ans de fertilité prodigieuse, il semblait que le sol fût enfin épuisé, que la pierre des monuments refusât d’y pousser encore. De même que, dans de très vieux jardins fruitiers, les pruniers et les cerisiers qu’on replante s’étiolent et meurent, les murs neufs sans doute ne trouvaient plus à boire la vie dans cette poussière de Rome, appauvrie par la végétation séculaire d’un si grand nombre de temples, de cirques, d’arcs de triomphe, de basiliques et d’églises. Et les maisons modernes qu’on avait tenté d’y faire fructifier de nouveau, les maisons inutiles et trop vastes, toutes gonflées de l’ambition héréditaire, n’avaient pu arriver à maturité, dressant des moitiés de façade que trouaient les fenêtres béantes, sans force pour monter jusqu’à la toiture, restées là infécondes, telles que les broussailles sèches d’un terrain qui a trop produit. L’affreuse tristesse venait d’une grandeur passée si créatrice aboutissant à un pareil aveu d’actuelle impuissance, Rome qui avait couvert le monde de ses monuments indestructibles et qui n’enfantait plus que des ruines.

— On les finira bien un jour ! s’écria Pierre.

Narcisse le regarda étonné.

— Pour qui donc ?

Et c’était le mot terrible. Ces cinq ou six cent mille habitants dont on avait rêvé la venue, qu’on attendait toujours, où vivaient-ils à l’heure présente, dans quelles campagnes voisines, dans quelles villes reculées ? Si un grand enthousiasme patriotique avait pu seul espérer une telle population, aux premiers jours de la conquête, il aurait fallu aujourd’hui un singulier aveuglement pour croire encore qu’elle viendrait jamais. L’expérience semblait faite, Rome restait stationnaire, on ne prévoyait aucune des causes qui en auraient doublé les habitants, ni les plaisirs qu’elle offrait, ni les gains d’un commerce et d’une industrie qu’elle n’avait pas, ni l’intense vie sociale