sembla si différent, si déplacé qu’il en éprouva une sorte de désespoir honteux. Le nouveau pape évangélique que serait un pape purement spirituel, régnant sur les âmes seules, ne pouvait certainement pas tomber sous le sens d’un prélat romain. L’horreur de cela, la répugnance pour ainsi dire physique lui apparut soudain, au souvenir de cette cour papale figée dans les rites, dans l’orgueil et dans l’autorité. Ah ! comme ils devaient être pleins d’étonnement et de mépris, devant cette singulière imagination du Nord, un pape sans terres et sans sujets, sans maison militaire et sans honneurs royaux, pur esprit, pur autorité morale, enfermé au fond du temple, ne gouvernant le monde que de son geste de bénédiction, par la bonté et l’amour ! Ce n’était là qu’une invention gothique, embrumée de brouillards, pour ce clergé latin, prêtres de la lumière et de la magnificence, pieux certes, superstitieux même, mais laissant Dieu bien abrité dans le tabernacle, afin de gouverner en son nom, au mieux des intérêts du ciel, rusant dès lors en simples politiques, vivant d’expédients au milieu de la bataille des appétits humains, marchant d’un pas discret de diplomates à la victoire terrestre et définitive du Christ, qui devait trôner un jour sur les peuples, en la personne du pape. Et quelle stupeur pour un prélat français, pour un monseigneur Bergerot, ce saint évêque du renoncement et de la charité, lorsqu’il tombait dans ce monde du Vatican ! quelle difficulté de voir clair d’abord, de se mettre au point, et quelle douleur ensuite à ne pouvoir s’entendre avec ces sans-patrie, ces internationaux toujours penchés sur la carte des deux mondes, enfoncés dans les combinaisons qui devaient leur assurer l’empire ! Des journées et des journées étaient nécessaires, il fallait vivre à Rome, et lui-même ne venait de comprendre qu’après un mois de séjour, sous la crise violente des pompes royales de Saint-Pierre, en face de l’antique ville dormant au soleil son lourd sommeil, rêvant son rêve d’éternité.
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