coup d’œil, les divisions de la ville, la cité antique là-bas, au Capitole, au Forum, au Palatin, la cité papale dans ce Borgo qu’il dominait, dans Saint-Pierre et le Vatican, qui regardaient la cité moderne, le Quirinal italien, par-dessus la cité du moyen âge, tassée au fond de l’angle droit que formait le Tibre, roulant ses eaux jaunes et lourdes. Une remarque surtout acheva de le frapper, la ceinture crayeuse que faisaient les quartiers neufs au noyau central des vieux quartiers roux, brûlés par le soleil, un véritable symbole du rajeunissement tenté, le vieux cœur aux réparations si lentes, tandis que les membres extrêmes se renouvelaient comme par miracle.
Mais, dans l’ardent soleil de midi, Pierre ne retrouvait pas la Rome si claire, si pure, qu’il avait vue le matin de son arrivée, sous la douceur délicieuse de l’astre à son lever. Ce n’était plus la Rome souriante et discrète, voilée à demi d’une brume d’or, comme envolée dans un rêve d’enfance. Elle lui apparaissait, maintenant, inondée de clarté crue, d’une dureté immobile, d’un silence de mort. Les fonds étaient comme mangés par une flamme trop vive, noyés d’une poussière de feu où ils s’anéantissaient. Et la ville entière se découpait violemment sur ces lointains décolorés, en grandes masses de lumière et d’ombre, aux brutales arêtes. On aurait dit quelque très ancienne carrière de pierres abandonnée, éclairée d’aplomb, que les rares îlots d’arbres tachaient seuls de vert sombre. De la ville antique, on voyait la tour roussie du Capitole, les cyprès noirs du Palatin, les ruines du palais de Septime Sévère, pareilles à des os blanchis, à une carcasse de monstre fossile, apportée là par les déluges. En face, la ville moderne trônait avec les longs bâtiments du Quirinal, remis à neuf, enduit d’un badigeon dont la crudité jaune éclatait, extraordinaire, parmi les cimes vigoureuses du jardin ; et, au-delà, sur les hauteurs du Viminal, à droite, à gauche, les nouveaux quartiers étaient d’une blancheur de plâtre, une ville de craie,