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qui a duré des siècles, où tout est bâti sur la promesse de l’Au-delà, sur cette soif inextinguible d’immortalité et de justice dont l’homme est dévoré.

Cette première partie de son livre, cette histoire du passé, Pierre l’avait complétée par une étude à grands traits du catholicisme jusqu’à nos jours. C’était d’abord saint Pierre, ignorant, inquiet, tombant à Rome par un coup de génie, venant réaliser les oracles antiques qui avaient prédit l’éternité du Capitole. Puis, c’étaient les premiers papes, de simples chefs d’associations funéraires, c’était le lent avènement de la papauté toute-puissante, en continuelle lutte de conquête dans le monde entier, s’efforçant sans relâche de satisfaire son rêve de domination universelle. Au Moyen Âge, avec les grands papes, elle crut un instant toucher au but, être la maîtresse souveraine des peuples. La vérité absolue ne serait-ce pas le pape pontife et roi de la terre, régnant sur les âmes et sur les corps de tous les hommes, comme Dieu lui-même, dont il est le représentant ? Cette ambition totale et démesurée, d’une logique parfaite, a été remplie par Auguste, empereur et pontife, maître du monde, et, renaissant toujours des ruines de la Rome antique, c’est la figure glorieuse d’Auguste qui a hanté les papes, c’est le sang d’Auguste qui a battu dans leurs veines. Mais le pouvoir s’étant dédoublé après l’effondrement de l’Empire romain, il fallut partager, laisser à l’empereur le gouvernement temporel, en ne gardant sur lui que le droit de le sacrer, par délégation divine. Le peuple était à Dieu, le pape donnait le peuple à l’empereur, au nom de Dieu, et pouvait le reprendre, pouvoir sans limite dont l’excommunication était l’arme terrible, souveraineté supérieure qui acheminait la papauté à la possession réelle et définitive de l’empire. En somme, entre le pape et l’empereur, l’éternelle querelle a été le peuple qu’ils se disputaient, la masse inerte des humbles et des souffrants, le grand muet dont de sourds grondements