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du monde, s’il n’était point juste. Lui, apporte également aux misérables la haine du riche. Tout son enseignement est une menace contre la richesse, contre la propriété ; et, si l’on entendait par le Royaume des cieux, qu’il promettait, la paix et la fraternité sur cette terre, il n’y aurait plus là qu’un retour à l’âge d’or de la vie pastorale, que le rêve de la communauté chrétienne, tel qu’il semble avoir été réalisé après lui, par ses disciples. Pendant les trois premiers siècles, chaque Église a été un essai de communisme, une véritable association, dont les membres possédaient tout en commun, hors les femmes. Les Apologistes et les premiers Pères de l’Église en font foi, le christianisme n’était alors que la religion des humbles et des pauvres, une démocratie, un socialisme, en lutte contre la société romaine. Et, quand celle-ci s’écroula, pourrie par l’argent, elle succomba sous l’agio, les banques véreuses, les désastres financiers, plus encore que sous le flot des Barbares et le sourd travail de termites des chrétiens. La question d’argent est toujours à la base. Aussi en eut-on une nouvelle preuve, lorsque le christianisme, triomphant enfin, grâce aux conditions historiques, sociales et humaines, fut déclaré religion d’État. Pour assurer complètement sa victoire, il se trouva forcé de se mettre avec les riches et les puissants ; et il faut voir par quelles subtilités, quels sophismes, les Pères de l’Église en arrivent à découvrir dans l’Évangile de Jésus la défense de la propriété. Il y avait là pour le christianisme une nécessité politique de vie, il n’est devenu qu’à ce prix le catholicisme, l’universelle religion. Dès lors, la redoutable machine s’érige, l’arme de conquête et de gouvernement : en haut, les puissants les riches, qui ont le devoir de partager avec les pauvres, mais qui n’en font rien ; en bas, les pauvres, les travailleurs, à qui l’on enseigne la résignation et l’obéissance, en leur réservant le Royaume futur, la compensation divine et éternelle. Monument admirable,