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autres. Ah ! cette toute-puissance, cette contagion irrésistible de la foi, du souffle redoutable de l’au-delà, se décuplant dans un décor et dans une pompe de grandeur souveraine ! Un profond silence se fit ensuite, lorsque Léon XIII se fut assis sur le trône, entouré des cardinaux et de sa cour ; et, dès lors, la cérémonie se déroula, selon l’usage et le rite. Un évêque parla d’abord, à genoux, pour mettre aux pieds de Sa Sainteté l’hommage des fidèles de la chrétienté entière. Le président du comité, le baron de Fouras, lui succéda, lut debout un long discours, dans lequel il présentait le pèlerinage, en expliquait l’intention, lui donnait toute la gravité d’une protestation à la fois politique et religieuse. Chez ce gros homme, la voix était menue, perçante, les phrases partaient avec un grincement de vrille ; et il disait la douleur du monde catholique devant la spoliation dont le Saint-Siège souffrait depuis un quart de siècle, la volonté de tous les peuples, représentés là par des pèlerins, de consoler le Chef suprême et vénéré de l’Église, en lui apportant l’obole des riches et des pauvres, le denier des plus humbles, pour que la papauté vécût fière, indépendante, dans le mépris de ses adversaires. Il parla aussi de la France, déplora ses erreurs, prophétisa son retour aux traditions saines, fit entendre orgueilleusement qu’elle était la plus opulente, la plus généreuse, celle dont l’or et les cadeaux coulaient à Rome, en un fleuve ininterrompu. Léon XIII, enfin, se leva, répondit à l’évêque et au baron. Sa voix était grosse, fortement nasale, une voix qui surprenait, au sortir d’un corps si mince. Et, en quelques phrases, il témoigna sa gratitude, dit combien son cœur était ému de ce dévouement des nations à la papauté. Les temps avaient beau être mauvais, le triomphe final ne pouvait tarder davantage. Des signes évidents annonçaient que le peuple revenait à la foi, que les iniquités cesseraient bientôt, sous le règne universel du Christ. Quant à la France, n’était-elle pas la fille aînée de