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mieux que les siennes. Et il n’y eut qu’un moment de conversation générale, lorsque la vieille parente, haussant la voix, parla de l’indigne attitude de la presse italienne, à l’égard du Saint-Père. Jamais les rapports ne semblaient avoir été aussi mauvais entre le Vatican et le Quirinal. Le cardinal Sarno, muet d’habitude, annonça que le pape, à l’occasion des fêtes sacrilèges du 20 septembre, célébrant la prise de Rome, lancerait une nouvelle lettre de protestation, à la face de tous les États chrétiens, complices du rapt par leur indifférence.

— Allez donc tenter de marier le pape et le roi ! dit donna Serafina d’une voix amère, en faisant allusion au déplorable mariage de sa nièce.

Elle paraissait hors d’elle, il était trop tard maintenant, et l’on n’attendait plus monsignor Nani, ni personne. Pourtant, à un bruit inespéré de pas, ses yeux se rallumèrent, elle regarda ardemment la porte, eut la dernière déception de voir entrer Narcisse Habert, qui vint s’excuser près d’elle de sa visite tardive. Son oncle par alliance, le cardinal Sarno, l’avait introduit dans ce salon si fermé, et il y était bien accueilli, à cause de ses idées religieuses, que l’on disait intransigeantes. Ce soir-là, d’ailleurs, il n’y accourait, malgré l’heure avancée, que pour Pierre. Il le prit tout de suite à l’écart.

— J’étais certain de vous trouver ici, j’ai dîné à l’ambassade avec mon cousin, monsignor Gamba del Zoppo, et j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer… Il nous recevra demain matin, vers onze heures, à son appartement du Vatican.

Puis, baissant encore la voix :

— Je crois bien qu’il tâchera de vous introduire auprès du Saint-Père… Enfin, l’audience me paraît certaine.

Pierre eut une grosse joie de cette certitude, qui lui arrivait dans la tristesse de ce salon, où, depuis près de deux heures, il se chagrinait et tombait à la désespérance. Enfin, il aurait donc une solution ! Narcisse, après