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Victorine Bosquet, l’ancienne bonne montée au rang de gouvernante, la Beauceronne qui conservait son cœur de vieille France, après trente ans de vie dans cette Rome qu’elle ignorait. Elle lui parlait d’Auneau, comme si elle l’avait quitté la veille. Mais, ce jour-là, elle n’avait point sa vivacité accorte, sa gaieté d’habitude ; et, quand elle sut qu’il descendrait, le soir, voir ces dames, elle hocha la tête.

— Ah ! vous ne les trouverez pas bien contentes. Ma pauvre Benedetta a de gros ennuis. Il paraît que son divorce va très mal.

Toute Rome en causait, c’était une reprise extraordinaire de commérages qui bouleversait le monde blanc et le monde noir. Aussi Victorine n’avait-elle pas à faire de la discrétion inutile, vis-à-vis d’un compatriote. Donc, en réponse au mémoire de l’avocat consistorial Morano, qui, s'appuyant sur des témoignages et sur des preuves écrites, démontrait que le mariage n’avait pu être consommé, par suite de l’impuissance du mari, monsignor Palma, théologien, choisi dans l’affaire par la congrégation du Concile, comme défenseur du mariage, venait à son tour de déposer un mémoire vraiment terrible. D’abord, il mettait fortement en doute l’état de virginité de la demanderesse, discutant les termes techniques du certificat des deux sages-femmes, exigeant l’examen à fond fait par deux médecins, formalité devant laquelle avait reculé la pudeur de la jeune femme ; et encore citait-il des cas physiologiques, parfaitement établis, où des filles avaient eu commerce avec des hommes, sans paraître le moins du monde déflorées. Il tirait grand parti du récit contenu dans le mémoire du comte Prada, qui, très sincèrement, hésitait à dire si le mariage avait été consommé ou non, tellement la comtesse s’était débattue ; lui, sur le moment, avait bien cru accomplir l’acte jusqu’au bout, dans les conditions normales ; mais, depuis, en y réfléchissant, il n’osait être affirmatif, il admettait que,