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un péristyle qu’entouraient cinquante-six colonnes d’ordre ionique ; des appartements privés à l’entour, tout en marbre ; une profusion de marbres, venus à grands frais de l’étranger, des couleurs les plus vives, resplendissant comme des pierres précieuses. Et il s’était logé avec les dieux, il avait bâti près de sa demeure le grand temple d’Apollon et un temple de Vesta, pour s’assurer la royauté divine, éternelle. Dès lors, la semence des palais impériaux se trouvait jetée, ils allaient croître, et pulluler, et couvrir le Palatin entier.

Ah ! cette toute-puissance d’Auguste, ces quarante-quatre années d’un pouvoir total, absolu, surhumain, tel qu’aucun despote, même dans la folie de ses rêves, n’en a connu le pareil ! Il s’était fait donner tous les titres, il avait réuni en sa personne toutes les magistratures. Imperator et consul, il commandait les armées, il exerçait le pouvoir exécutif ; proconsul, il avait la suprématie dans les provinces ; censeur perpétuel et princeps, il régnait sur le sénat ; tribun, il était le maître du peuple. Et il s’était fait proclamer Auguste, sacré, dieu parmi les hommes, ayant ses temples, ses prêtres, adoré de son vivant comme une divinité de passage sur la terre. Et, enfin, il avait voulu être grand pontife, joignant le pouvoir religieux au pouvoir civil, réalisant là, par un coup de génie, la totalité de la domination suprême à laquelle un homme puisse monter. Le grand pontife ne devant pas habiter une maison privée, il avait déclaré sa maison propriété de l’État. Le grand pontife ne pouvant s’éloigner du temple de Vesta, il avait eu chez lui un temple de cette déesse, laissant aux Vestales, en bas du Palatin, la garde de l’ancien autel. Rien ne lui coûtait, car il sentait bien que la souveraineté humaine, la main mise sur les hommes et le monde, était là, dans cette double puissance en une personne, être à la fois le roi et le prêtre, l’empereur et le pape. Toute la sève d’une forte race, toutes les victoires amassées et toutes les fortunes éparses encore, s’épanouirent