horizons vastes, ni verdure rafraîchissante ! Rien que la bousculade, l’entassement, l’étouffement, le long des petits trottoirs, sous une mince bande de ciel ! Et Dario eut beau lui nommer les palais historiques et fastueux, le palais Bonaparte, le palais Doria, le palais Odelscachi, le palais Sciarra, le palais Chigi ; il eut beau lui montrer la place Colonna, avec la colonne de Marc-Aurèle, la place la plus vivante de la ville, où piétine un continuel peuple debout, causant et regardant ; il eut beau, jusqu’à la place du Peuple, lui faire admirer les églises, les maisons, les rues transversales, la rue des Condotti, au bout de laquelle se dressait, dans la gloire du soleil couchant, l’apparition de la Trinité des Monts, toute en or, en haut du triomphal escalier d’Espagne : Pierre gardait son impression désillusionnée de voie sans largeur et sans air, les palais lui semblaient des hôpitaux ou des casernes tristes, la place Colonna manquait cruellement d’arbres, seule la Trinité des Monts l’avait séduit, par son resplendissement lointain d’apothéose.
Mais il fallut revenir de la place du Peuple à la place de Venise, et retourner encore, et revenir encore, deux, trois, quatre tours, sans lassitude. Dario, ravi, se montrait, regardait, était salué, saluait. Sur les deux trottoirs, une foule compacte défilait, dont les yeux plongeaient au fond des voitures, dont les mains auraient pu serrer les mains des personnes qui s’y trouvaient assises. Peu à peu, le nombre des voitures devenait tel, que la double file était ininterrompue, serrée, obligée de marcher au pas. On se touchait, on se dévisageait, dans ce perpétuel frôlement de celles qui montaient et de celles qui descendaient. C’était la promiscuité du plein air, toute Rome entassée dans le moins de place possible, les gens qui se connaissaient, qui se retrouvaient comme en l’intimité d’un salon, les gens qui ne se parlaient pas, des mondes les plus adverses, mais qui se coudoyaient, qui se fouillaient du regard, jusqu’à l’âme. Et Pierre, alors, eut la