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une fédération républicaine, tous les anciens petits États reconstitués en autant de républiques, que Rome présiderait. Le Vatican aurait peut-être gros à gagner dans l’aventure. On ne peut pas dire qu’il y travaille, il en envisage simplement l’éventualité sans déplaisir. Mais c’est un rêve, un rêve !

Il retrouva sa gaieté, même une pointe tendre d’ironie.

— Vous doutez-vous de ce qui m’a séduit dans votre livre ? car, malgré mes protestations, je vous ai lu deux fois… C’est que Mazzini aurait pu presque l’écrire. Oui ! j’y ai retrouvé toute ma jeunesse, tout l’espoir fou de mes vingt-cinq ans, la religion du Christ, la pacification du monde par l’Évangile… Saviez-vous que Mazzini a voulu, longtemps avant vous, la rénovation du catholicisme ? Il écartait le dogme et la discipline, il ne retenait que la morale. Et c’était la Rome nouvelle, la Rome du peuple qu’il donnait pour siège à l’Église universelle, où toutes les l’églises du passé allaient se fondre : Rome, l’éternelle Cité, la prédestinée, la mère et la reine dont la domination renaissait pour le bonheur définitif des hommes !… N’est-ce pas curieux que le néo-catholicisme actuel, le vague réveil spiritualiste, le mouvement de communauté, de charité chrétienne dont on mène tant de bruit, ne soit qu’un retour des idées mystiques et humanitaires de 1848 ? Hélas ! j’ai vu tout cela, j’ai cru et j’ai combattu, et je sais à quel beau gâchis nous ont conduits ces envolées dans le bleu du mystère. Que voulez-vous ! je n’ai plus confiance.

Et, comme Pierre allait se passionner, lui aussi, et répondre, il l’arrêta.

— Non, laissez-moi finir… Je veux seulement que vous soyez bien convaincu de la nécessité absolue où nous étions de prendre Rome, d’en faire la capitale de l’Italie. Sans elle, l’Italie nouvelle ne pouvait pas être. Elle était la gloire antique, elle détenait dans sa poussière la souveraine puissance que nous voulions rétablir, elle